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Figuratif, le travail de Claire TABOURET, effectué par couches et transparences, où se mêlent aplats, épaisseurs et fluidités, donne à voir une réalité mouvante. L'artiste travaille à partir de photographies, aussi bien des archives personnelles que des clichés anonymes récoltés au fil de ses recherches, et s'empare de figures figées dans un espace-temps indéfinissable, pour avancer une nouvelle lecture de leurs présences et de leurs apparences.

Dans la série des Maisons inondées qui l'a fait connaitre, aucune présence humaine, juste l'inquiétante masse des habitations abandonnées se dédoublant dans l'eau. Puis, dans la série des Migrants, c'est également dans cette posture stagnante que l'on peut observer les embarcations de migrants que Claire TABOURET peint à l'arrêt, le moteur coupé et relevé au-dessus d'une eau dormante et noire. Certains visages sont tournés face au spectateur, dans une attitude franche mais hermétique, et semblent nous renvoyer à notre propre regard et interroger la pertinence de celui-ci.

À la suite de ces séries plus ou moins directement et consciemment inspirées par des faits divers, le travail de Claire TABOURET s'est tourné encore plus radicalement du côté de la figuration des personnages, s'éloignant des lieux hantés par leur présence invisible, pour représenter des portraits de groupes d'enfants ou d'adolescents, de grand format. Habitée par certains personnages, le besoin de ne pas les lâcher, de les cerner plus précisément a poussé l'artiste à les retravailler individuellement en les isolant, sur des toiles de petit format ou à l'acrylique sur papier, ou en leur donnant corps dans des bustes de céramique. Chez Claire TABOURET, le portrait, qu'il soit de groupe ou individuel, est un genre vivace, à tel point qu'il devient vénéneux, vindicatif, revendicatif. Les personnages sont extraits de leurs environnements, de leurs contextes et de leurs repères, et propulsés au cœur d'un espace pictural énigmatique, sombre et embarrassant.

L'intime est la dynamique fondamentale de la démarche de Claire TABOURET. Le spectateur le perçoit, le ressent même parfois avec inconfort, dans les visages aux airs butés de ses personnages, qui suggèrent une forte vie intérieure. L'artiste nous fait ainsi entrer dans la matière même de scènes capturées et reformulées. Au fil des toiles, elle déploie un univers chargé d'histoires, de souvenirs et de possibles projections. L'intime est l'arc existentiel qui, du dedans au dehors, entre identité et altérité, relie toutes ses figures, qu'elles soient peintes, dessinées ou sculptées, aux regards qui s'y portent.