Mat Collishaw, James Hopkins, Richard Woods
31/10/2003 > 20/12/2003

Vernissage le 31/10/2003, de 19h à 21h

"Persistance rétinienne : phénomène par lequel la sensation visuelle subsiste après la disparition de l'excitation objective."


Rémanence et désorientation d'abord avec l'installation de RICHARD WOODS, dont le déploiement formel gagne tout l'espace de sa première exposition en France, du parquet dans différentes tonalités de vert aux parois inspirées de papiers peints bon marché. Les motifs traditionnels de ceux-ci oscillent entre classicisme de pacotille et romantisme pompier : scènes champêtres bucoliques, motifs de style turc ou arabe, Regency ou Arts & Crafts. RICHARD WOODS les agrandit selon une méthode artisanale et dans des couleurs vives ; le résultat, volontairement grossier et criard, contraste avec le pseudo bon goût prétentieux et démodé des motifs de base. La juxtaposition de ces formes et de ces couleurs achève de créer une saturation de l'espace et un effet dense et dramatique.

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Ambiguïté visuelle ensuite des manipulations de JAMES HOPKINS, qui, pour sa première exposition en France, intervient sur divers objets dont il modifie la fonction et la signification, en lien décalé avec leur usage et leur image de départ. L'association entre l'ancien et le nouveau sens de chaque objet crée un état suspendu dans la perception visuelle.
JAMES HOPKINS a d'abord assemblé quelques objets quotidiens, facilement identifiables de prime abord mais déconcertants à y regarder de plus près. Ainsi, la porte de Paradox Passage, dont les deux moitiés verticales découpées sont placées de part et d'autre de deux miroirs assemblés, apparaît ouverte ou fermée selon l'angle de vue, introduisant à une dimension alternative de l'espace. Cuttings, hache dont le manche a été retaillé en forme de fleur à peine éclose sur sa tige, figure poétiquement l'opposition entre la nature et un objet fabriqué, comme si la première reprenait ses droits en même temps que le second revient à ses origines. La poésie se double d'humour dans Rocking Chair, qui, placée dans un point d'équilibre extrême, à la fois parfait et précaire, semble défier les lois de la pesanteur ; tel un instantané du moment exact avant la chute, la sculpture renvoie à l'image de l'utilisateur qui s'y serait balancé jusqu'à tomber. Poésie et humour également dans Bucket, qui capture dans un modeste seau un paysage paradisiaque de vacances. Chef-d'œuvre de minutie, Salvation Lies Within est un pistolet de papier tiré d'une bible familiale illustrée, dont chaque page a été découpée de façon à ce que les chutes assemblées reproduisent un revolver tridimensionnel, son empreinte exacte restant en creux dans l'épaisseur du livre saint. Clin d'œil à l'habitude qu'avaient les habitants de l'Ouest américain de cacher leur arme dans une bible factice, la sculpture évoque aussi en une puissante association l'imprimé comme objet de pouvoir et la religion comme source de conflit.
Plus loin, The Simpsons est une anamorphose composée de morceaux de plastique colorés courbés formant un portrait de famille des personnages du dessin animé culte éponyme. Cette représentation, elle-même distordue, n'est compréhensible que d'un point déterminé ; vue d'ailleurs, la sculpture n'est qu'une accumulation abstraite et incohérente. Avec humour, JAMES HOPKINS associe la tradition classique de l'anamorphose à une production de la culture populaire contemporaine, le dessin animé, dont cette sculpture transpose physiquement les principes. Semblant tous deux échapper aux lois de la logique, anamorphose et dessin animé offrent un commentaire sur l'élasticité du réel.

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Enfin MAT COLLISHAW, après son exposition inaugurale de Cosmic Galerie il y a un an, présente quatre nouvelles installations, où la vie même apparaît comme une rémanence face à la pérennité des objets. Ces installations consistent en des vidéo projections sur des pièces de mobilier ancien, qui évoquent un intérieur néo-victorien. Alors que ces objets appartiennent par essence au domaine de l'inanimé et du pérenne, le principe et le contenu des vidéos sont liés à un univers contemporain, à la vie et à sa fragilité. MAT COLLISHAW cherche à insuffler une étincelle de vie dans ces objets, à les réanimer en quelque sorte grâce aux spectres que sont les vidéos. Même si ce souffle est fragile, même si la vie est l'exception et l'inanimé la règle, c'est pourtant cette étincelle qui donne à ces objets leur âme.
Ainsi, sur le cadran de l'horloge de parquet de Grandfather Clock est projetée depuis l'intérieur une scène du film Autant en emporte le vent. Cette scène se déroule dans une chambre, par la fenêtre de laquelle on aperçoit Big Ben ; dans son lit une enfant s'agite sous les draps et répète comme dans un cauchemar "Daddy, daddy". Le son très faible de sa voix, ajouté au tic tac incessant de l'horloge, accentue l'ambiguïté et le caractère oppressant de la scène, dont seuls Big Ben dans le film et l'horloge néo-victorienne dans l'installation semblent être les témoins. L'image réconfortante de l'horloge de famille, dont la présence presque anthropomorphe évoque celle de Big Ben, contraste avec l'ambivalence de la situation. Dans Peacock, l'image d'un paon est projetée sur un paravent ; à la similitude formelle du déploiement du paravent et de la queue du paon s'ajoute un rapprochement conceptuel, le jeu de dérober ou de révéler au regard : cacher pour mieux suggérer, suggérer ou montrer pour mieux séduire, séduire pour mieux tromper. Véritable memento mori, le dispositif de Flower donne l'impression d'un piédestal à la vie : sur une table est placée une corne qui soutient une boule à l'intérieur de laquelle est projetée l'image d'une fleur capiteuse. De même dans Bird, la douceur de l'image de l'oiseau contraste avec l'idée même et l'aspect de la cage.

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