Benoit Broisat
18/11/2006 > 22/12/2006

Vernissage le 18/11/2006, de 19h à 21h

Jeune artiste dont le travail protéiforme porte sur les mécanismes de la représentation et la fonction créatrice des images, BENOIT BROISAT présente pour sa première exposition en galerie son nouveau projet, Place Franz Liszt. Alors que Bonneville, sa précédente œuvre vidéo, était un voyage dans la mémoire d'un lieu qu'il a très tôt fui, Place Franz Liszt est un voyage dans la représentation qu'ont des inconnus d'un lieu qu'il a choisi de ne pas connaître. Dans les deux cas le référent est inaccessible : l'un, par la force des choses, dans le temps ; l'autre, par choix, dans l'espace.

« Le point de départ du projet est très simple, et s'énonce presque comme la règle d'un jeu : quel degré de fidélité pourrait atteindre une représentation basée uniquement sur des témoignages ? À quelle validité pourraient prétendre les images que je produirais si, m'intéressant à un lieu que je ne connais pas, je décidais de le représenter sans jamais me rendre "sur le motif", sans jamais m'appuyer sur des images de ce lieu, mais simplement en essayant de l'imaginer sur la base de témoignages que j'aurais recueillis auprès de ses habitants ? Si l'expérience ainsi formulée semble infiniment simple, elle porte pourtant le germe d'une infinité de questions, de paradoxes et d'écueils qui s'avèrent constitutifs de toute représentation. L'enjeu est non seulement d'étudier ces problèmes complexes mais aussi d'envisager des solutions formelles qui soient des alternatives aux modes de représentation traditionnels.

J'ai choisi pour cette expérience la place Franz Liszt, située dans le 10ème arrondissement à Paris, ne la connaissant pas et son nom n'ayant a priori pas de répercussion sur sa configuration. J'ai donc écrit à un certain nombre de riverains pour leur expliquer ma démarche et leur demander de m'adresser un aperçu écrit de leur point de vue sur la place. Leurs réponses ont consisté aussi bien en de longues descriptions techniques (inventaire du mobilier urbain, information sur les revêtements des sols etc.) qu'en textes plus littéraires s'attachant davantage à la vie quotidienne de la place, à son évolution, à son activité, ou parfois même en des évocations plus poétiques de l'atmosphère de la place, de certains moments de lumières ou d'autres sensations très subjectives.

Ma représentation de la place s'est également construite en creux sur les lacunes laissées par ces récits : si ce qui est dit est signifiant, ce qui est tu, oublié ou négligé l'est autant. Ainsi l'absence quasi systématique d'évocation du côté sud de la place, ou sa réduction à une simple toile de fond, se traduit dans l'installation par un angle mort, un hors champ invisible qui rompt la circularité du dispositif.

Grâce à ces descriptions, tantôt complémentaires, tantôt contradictoires, j'ai commencé à imaginer le lieu, puis à traduire ces images mentales en images informatiques et ensuite à animer celles-ci, en tentant d'aplanir les hiatus souvent induits par des informations inconciliables ou obscures. Sur la base de ces premiers rendus, un échange s'est établi avec certains habitants, un regard sur la place devenant récit, le récit se faisant image, l'image suscitant à nouveau l'écriture, le travail d'écriture recomposant tout à la fois l'image et le regard. Bien qu'insaisissable et toujours changeante, la place "réelle" est pourtant le constant référent qui assure l'unité de cette transmutation.

Dans l'espace d'exposition, trois vidéos, vues reconstituées par ordinateur de trois côtés de la place, sont projetées sur trois murs, alors qu'au centre un banc évoque celui de l'espace public. Dans une autre salle, à côté d'images tirées des vidéos, le projet est "déconstruit" à travers ses archives : correspondances avec les habitants, dessins, rendus informatiques intermédiaires, maquettes des immeubles. Les projections, bien que jouant sur un sentiment d'immersion, ne cherchent pas à imiter l'effet des vues panoramiques et ne reconstituent pas un espace physiquement cohérent. Les vidéos présentent des zooms, recadrages, mouvements de caméra... sans souci de continuité de perspective ou de cadre les unes avec les autres. Il s'agit plutôt ici de restituer une certaine vérité psychologique ainsi que les choix et focalisations qu'opère le spectateur immergé dans un espace réel. » (BENOIT BROISAT)


BENOIT BROISAT est né en 1980 à Bonneville (France). Il vit et travaille à Paris. Son travail a notamment été présenté dans les expositions Incipit (Fondation d'entreprise Ricard, Paris), Historias animadas (CaixaForum, Barcelone ; Sala Rekalde, Bilbao ; Le Fresnoy, Tourcoing), Dis&Appearance (Fri-Art, Centre d'art contemporain, Fribourg) et I Still Believe In Miracles (ARC/Musée d'art moderne de la Ville de Paris, Paris).